Accoudé au bastingage je regardais le rivage s'éloigner et disparaître dans la brume. La vue était splendide: une ligne rocheuse s'étirait d'un bout à l'autre de l'horizon; au loin on apercevait les montagnes transperçant les nuages avec grâce et majesté mais avec la distance on ne parvenait plus à distinguer les sommets que je savais couverts de neige à cette période de l'année. Situées au centre de l'île, elles semblaient veiller sur elle telles d'immenses sentinelles imperturbables; elles semblaient être là pour accueillir l'étranger en quête d'un refuge et décourager tout homme mal intentionné. A cette distance je ne pouvais plus les voir mais je me rappelais les prairies qui s'étendaient à perte de vue mais laissaient les montagnes nues, me faisant penser à des îles jaillissant d'un océan de verdure.
Plus je m'éloignais de ces rivages et plus je me sentais triste. Cette terre avait pendant longtemps été ma seule famille, elle m'avait accueilli des années plus tôt quand je n'avais plus rien et que mon âme meurtrie ne connaissait plus le repos, elle m'avait élevée et nourrie comme un fils avec une générosité sans fin, ne demandant que mon amour en échange. Et mon amour pour elle était infini à l'égal de sa générosité. Après des années de calme et de méditation j'y avais retrouvé la paix intérieure, mon âme avait été sauvée et j'avais retrouvé goût à la vie: je renaissais. Peu à peu j'avais recommencé à sentir le parfum des roses, l'odeur des pins dans les bois, j'avais de nouveau senti la caresse du vent sur ma peau et mon visage, mes yeux avaient redécouverts les couleurs du monde et la beauté de la vie; je vivais chaque jour comme si ce devait être mon dernier, essayant de rattraper toute les années que j'avais perdu à me saouler, et m'enfoncer chaque jour un peu plus dans l'obscurité et l'absurdité de mon existence.
Maintenant que j'avais été délivré de ce mal j'avais envie de parcourir le monde, je voulais vivre et profiter au mieux du temps qu'il me restait.
A présent il n'y avait plus que le sommet de la plus haute montagne qui dépassait à l'horizon, et puis soudain il disparut. Je laissai alors échapper une larme, j'étais seul face à l'immensité du monde. C'était une page de mon histoire qui venait de se tourner, maintenant je devais regarder vers l'avant.
Je me tournais alors vers le capitaine du navire:
_Capitaine, à combien de jours sommes nous des côtes continentales ?
Je vois pas trop dans quelle rubrique existante j'aurais pu mettre ce texte.