Toujours ses yeux..
Ils cavalaient, défiant le vent gris de l'hiver. Ils cavalaient, portés par le souffle glacé, se jouant du temps et de ses sombres archers. Ils cavalaient, brisant les flèches noires du passé, brillant à-travers les nuées. C'était les démons blancs qui virevoltaient, chevauchant les larmes froides du soleil. C'était les démons blancs qui venaient transpercer ton âme, ces chimères sans vies, qui cherchaient le chaud refuge de tes yeux. C'était les démons blancs qui venaient frapper ton esprit, chassant de tes paradis bleus la douce lumière vermeille. C'était les démons blancs qui venaient mordre ton corps, l'emmenant vers mon enfer béni, ce territoire où erre encore ma folie. C'était les démons blancs qui venaient rire dans tes pâles pupilles, autrefois si fragiles, glissant peu à peu dans le noir poison de ma déraison. Alors, aveuglée par ces cavaliers damnés, tu sombres dans l'Inconnu et l'aveugle vérité. Et le lac glacé de tes larmes bleutées, dans un ultime pleure, triste chant du condamné, vient noyer nos coeurs dans un dernier frisson, les liant dans tes yeux, à jamais démons.
Le rideau gris de la pluie tombait sur le sol, frappant avec fracas chacun de mes pas. J'avançais, percé par l'orage sourd de tes pensées, fendu par les éclairs rouges de ton coeur. Derrière moi, sous le poids de mon corps damné, naissaient les veines bleues, sinueuses, du temps, seules traces de cette marche vers le néant blanc. Et, m'accompagnant le long de ce chemin sans étoile, les tambours des anges noirs berçaient mon ciel, ce visage si pâle. Et, me portant jusqu'à mon dernier lit, l'agonie des anges noirs montait vers la nuit, ce voile céleste, hagard. Au loin, les feux bleus de tes yeux, ce phare hurlant pour les âmes perdues, guidaient une dernière fois le radeau de ma vie. Et enfin, les anges noirs m'emmenaient vers ce bleu ténébreux, repoussant la caresse de la mort et ses doux bras chaleureux. Mais les râles du temps rattrapaient ma course vaine, et les lames d'acier de ces monstres ailés, ces anges blancs toujours à mes côtés, vinrent me juger sous tes yeux, tes feux où j'aimais me brûler. Le déluge noir de ma solitude me glaçait, grondant avec frénésie, tandis que grandissait l'ombre froide dans mon esprit. Et je restais là, errant dans cette merveilleuse prison, attendant que triomphe le bourreau passionné, et les dieux bleus de sa mission.