Une attaque ? Mais où ?
Amnaël s’arrêta brusquement devant les portes de l’académie. Il poussa un juron, regrettant de ne pas avoir pris Salamandra avec lui. Il attrapa les clefs du petit local où les instructeurs rangeaient des armes en tout genre et il l’ouvrit. Comme il le pensait la plupart avaient été emportées pour la défense de la capitale, il ne restait plus que quelques épées, une vingtaine de haches rouillées et une armure ébréchée. Bref, tout un tas de vieilleries qui ne servaient plus à rien. Il se demanda un instant s’il ne valait pas mieux retourner chez lui prendre Salamandra; mais non, c’était une idée stupide, si quelque chose se passait vraiment au village, il se devait d’intervenir le plus rapidement possible.
Instinctivement, Amnaël se dirigea vers les épées, il était hors de question qu’il se balade avec une hache dont il aurait été bien incapable de se servir. Jamais il ne s’était entraîné avec autre chose que des épées et des arcs. Il se dit alors qu’il allait devoir palier ce défaut lorsqu’il en aurait le temps. Parmi toutes les lames, Amnaël en repéra une en particulier qui n’avait pas l’air trop abimée, elle n’était pas de très bonne facture, mais de bonne taille. Il essaya de faire plusieurs feintes et parades. Cette épée n’avait rien de la classe de Salamandra ni de sa vieille épée. Il décida donc de garder son épée d'entrainement avec lui, elle était certes usée; mais elle n'était pas émoussée et son tranchant ferait mouche à coup sûr. Puis, il ferma le local et s’élança hors de l’académie, déçu de ne pas avoir dégoté une trouvaille dans l'armurerie.
Malgré le départ des guerriers, le village semblait trop calme, bien trop calme, Amnaël arriva à hauteur du manoir pyroleader, et il n’avait rencontré que deux enfants qui couraient entre deux maisons.
Amnaël ouvrit à la volée la grande porte du manoir, et, une vision d’horreur l’envahit. A côté de lui se tenaient les deux gardes du manoir, étendus sur le sol, inertes, baignant dans une flaque de sang, et dormant dans un sommeil dont ils ne se réveilleraient plus. Amnaël jura de plus belle, ces deux hommes étaient des villageois qui leurs avaient prêté assistance le temps que les choses rentrent à la normale. Deux braves hommes qui s’étaient fait tuer, sans doute sans même pouvoir se défendre. Oui, c’était bien ça, ils avaient été sauvagement assassinés, et par derrière.
Amnaël pesta encore, il aurait aimé rendre hommage à ces hommes, ces civils qui avaient perdus la vie par un acte de lâcheté, mais il ne pouvait pas, des choses bien plus urgentes l’attendaient, il devait retrouver Altaïr et Liam, et le plus important se préparer à une offensive ennemie à l’intérieur même du village. Il se jura en son fort intérieur de venger leur mort et reprit sa course vers la sale du pyroleader, il monta à toute allure les escaliers qui menaient à la salle, puis il retint son souffle.
Il se tenait là devant la porte, la main sur la poignée tiraillé par la peur, la peur de savoir ce qu’il allait trouver en ouvrant la porte, la même peur qu’il avait éprouvée la première fois qu’il y était rentré, mais cette fois les enjeux seraient beaucoup plus importants. Amnaël rassembla tout son courage dans sa main gauche, et il ouvrit la porte.
Il eut du mal à garder les yeux ouverts et s’efforça de rester concentré, jamais il n’avait senti un danger aussi proche. Le bureau ne ressemblait plus à rien, des papiers jonchaient le sol de toutes parts, les portraits des précédents pyroleader s’entassaient au milieu d’un tas de papiers et de verres cassés, il n’en restait plus qu’un qui tenait encore par miracle en oscillant dangereusement de gauche à droite. Un certain soulagement s’empara d’Amnaël, il n’y avait aucune trace de sang dans cette pièce, et quel que soit l’agresseur, il n’aurait pu battre Liam que par surprise de la même manière que ces deux pauvres gardes. Cela voulait donc dire que Liam demeurait vivant jusqu’à preuve du contraire, mais dans quel état, Amnaël pensa qu’il aurait pu s’être fait capturer, mais il s’efforça de repousser cette idée qui lui semblait inconcevable.
Le temps pressait, et il devait absolument recueillir d’autres informations, Alexia devait se faire un sang d’encre, et il y avait bien de quoi. Amnaël se retourna, prêt à partir, puis, soudain, il se figea sur place, devant lui se tenait un corps affalé sur le sol et gisant dans une flaque de sang, il ne l’avait pas remarqué plus tôt du fait que la porte ouverte cachait le corps, mais alors Liam…, son pouls s’accéléra, non, c’était bien trop petit pour être lui, Amnaël s’approcha de plus près, non ce n’était pas Liam, c’était un nain. Il portait une dague dans sa main droite, et tout son coté gauche était brûlé. Maintenant Amnaël en était persuadé, Liam était en vie, puisque son agresseur était mort, mais, il s’interrogea de nouveau. Qu’en était il d’Altaïr?
Amnaël sortit de la pièce dans laquelle la vue de ce nain mort le décontenançait, il fit un bref état de la situation, Altaïr et Liam étaient introuvables, le village ne s’était pas rendu compte de l’attaque et c’était sans aucun doute mieux ainsi pour éviter la panique générale. L’académie devait toujours être en lieux sûr puisqu’ Alexia ne l’avait toujours pas prévenu de quoi que ce soit. Amnaël avait au moins une certitude: le groupe d’adversaires ne devaient pas être bien nombreux pour que l’alerte n’ait pas été donnée par un villageois ayant remarqué quelque chose d’inhabituel. De plus, ils avaient subi une perte, et à présent il savait que les assaillants étaient des nains. Celui-ci était le premier qu’Amnaël voyait de sa vie et il était mort, il ne pouvait donc pas se permettre de relâcher sa vigilance, il ne connaissait presque rien des coutumes naines et le peu qu’il savait s’était écroulé il y a quelques minutes, il repensa avec dégoût à ce qu’il avait appris sur eux. Un nain n’attaquait jamais un adversaire au sol, désarmé, ni un adversaire ayant le dos tourné. Amnaël ragea une nouvelle fois en pensant à ces deux gardes improvisés assassinés lâchement par derrière.
Il devait retrouver ses amis et défendre le village, mais maintenant qu’il avait découvert ces deux corps, Amnaël n’était plus du tout sûr de lui. Il se demandait s’il pourrait être à la hauteur. Malgré tous ce que ses professeurs avaient pu lui dire, il ne se sentait pas de taille, il avait eu beau étudier et s’entraîner de son mieux durant toutes ses années à l’académie, il se retrouvait incapable de raisonner convenablement. Amnaël se sentait impuissant face à ce danger inconnu. Sachant qu’il ne savait rien sur la position de ses ennemis, il lui sembla que la meilleure chose à faire était encore de s’équiper correctement, il ne se sentait pas à l’aise avec cette épée de remplacement. Amnaël allait donc se diriger chez lui pour prendre un meilleur équipement, dont Salamandra au profit de sa lame de mauvaise fortune.
Cette fois ci, durant le trajet qui le menait du manoir à sa maison, il ne remarqua rien d’inhabituel. Les habitants reprenaient leur rythme de vie journalier. Aucun d’entre eux ne paraissait effrayé. Alors qu’il était toujours en pleine course, Amnaël aperçût même des enfants courant et braillant à tue tête dans les rues du village. Quelque chose lui échappait toujours, l’envahisseur donnait l’impression de s’être infiltré sans attirer l’attention, mais pourtant, Amnaël ne comprenait pas comment cela était possible. Serait ce le simple fruit du hasard qui avait fait que personne n’avait rien remarqué ? Ou bien l’ennemi était assez doué pour passer inaperçu? Amnaël pencha plutôt pour la première hypothèse, il lui semblait impossible que plusieurs personnes puissent passer au travers des défenses du village guerrier de kisageri, même affaibli comme il l’était en ce moment. En réalité, il n’acceptait même pas cette hypothèse, l’idée que ce village dans lequel il avait grandi depuis son enfance, ce village si puissant qui fournissait les guerriers pour la défense de tout le pays du feu soit ainsi vulnérable. Il refoulait cette supposition de tout son être, car jamais Amnaël n’aurait pu accepter que son village soit plus faible qu’un groupe d’individus isolé.
Tout en cogitant, il arriva devant sa maison sans s’en rendre compte. Comme à son habitude maintenant, il ouvrit le petit portillon, qu’il débarrassa au passage d’une araignée ayant trouvé refuge entre deux barreaux. Il s’avança jusqu’au perron, et enfonça sa main sur la poignée, mais celle-ci résista. D’autres interrogations surgirent alors tout d’un coup dans l’esprit d’Amnaël. Pourquoi sa mère n’était toujours pas rentrée du conseil? Lui était-il arrivé quelque chose? Puis il repensa à ces deux pauvres malheureux, et une terrible image vint à son esprit, celle de sa mère poignardée dans le dos. Mais Amnaël s’efforça à nouveau de refouler ces pensées noires ; sa mère avait sans doute été retardée par une réunion un peu trop longue, ou bien le conseil et elle avaient eu vent de la situation et avaient commencé à élaborer un plan d’action.
Amnaël ne put s’en empêcher, même si ce n’était pas la priorité pour le village, ça l’était pour lui. Il fallait qu’il s’assure que sa mère allait bien. Il se dépêcha donc de prendre Salamandra, et déposa sa vieille épée. Cette fois il n’aurait pas de soucis à se faire du fait de blesser ses adversaires.
La rage qui le submergeait s’était répandue dans tout son corps. Il brûlait d’impatience de retrouver sa mère, de lui parler de la situation dans laquelle ils étaient. Mais Amnaël devait aussi faire un rapport de la situation à Alexia, de manière à ce qu’elle commence des préparatifs en cas d’attaque. Il bifurqua au coin d’une ruelle sombre d’où il ne serait pas exposé au danger d’une éventuelle attaque, ni à celui de regards indiscrets. Il s’assura d’être seul, puis ferma les yeux. Il se concentra sur l’image de l’académie, puis sur le visage d’Alexia. Amnaël se mit à parler, tout en conservant l’image d’Alexia dans sa tête, dans son discours, il racontait ce qu’il s’était passé au manoir du pyroleader, comment il avait trouvé les deux gardes et le nain mort. Puis tout à coup, il relâcha une grande quantité d’énergie toujours en visualisant le visage d’Alexia. Cette soudaine perte d’énergie lui coupa le souffle, et il dut attendre quelques secondes pour le retrouver. Sa respiration retrouvée, il s’élança à nouveau de plus belle en direction de la salle du conseil situé à coté du volcan. Amnaël continuait de courir dans le village lorsqu’il sentit un léger picotement sur le haut de son front. Il se rendit à nouveau dans une petite rue à l’abri des regards et il se laissa plonger dans les ténèbres après avoir vérifié qu’il était bien seul.
Amnaël ne voyait plus que l’obscurité qui l’oppressait, puis une forte lumière rouge forma une flamme au milieu de ce néant. Le feu qui avait l’air de brûler sans combustible se mit à émettre un son. C’était la voix claire d’Alexia :
« Message bien reçu,
Je renvoie les plus jeunes élèves chez eux. Pour les autres je vais prétexter un exercice pour leur faire créer une barrière de défense autour de l’académie. Une fois cela réalisé, je leur expliquerai la situation et ils auront le choix entre rester pour nous aider à défendre le village ou rentrer chez eux, avec pour interdiction de parler de la situation aux autres villageois. J’espère que tout le monde s’en sortira. »
Amnaël rouvrit les yeux, il entendait encore la dernière phrase d’Alexia résonner dans sa tête comme l’écho d’une voix lancée d’un lointain passé. Non, tout le monde ne s’en était pas sorti. Amnaël maudit une nouvelle fois les nains et se remit en route.
Il traversa rapidement ce qui lui restait du village, et atteignit les terrains d’entraînement. Ces derniers demeuraient déserts à l’exception d’un vieil homme au regard vague qui était sans doute nostalgique de sa jeunesse définitivement révolue.
Il le regarda un instant, mais il ne le reconnut pas. De toute évidence ce n'était qu'un villageois comme les autres. Amnaël devait bien avouer qu'il aurait aimé avoir un peu d'aide.
Alors qu'il commençait à laisser vagabonder ses pensées, il se figea brusquement. Une sensation familière le traversa.
Il venait à peine de sentir l'énergie bienfaisante de Liam. Elle était maintenant toute proche.
Amnaël se lança vers le volcan d'où émanait la source de l'énergie de Liam. Amnaël se dépêcha de repartir, il commençait à sentir les fluctuations descendante de la force de Liam qui faiblissait. Il pressa l'allure craignant ce qu'il verrait. Il se demandait quel adversaire pouvait bien tenir Liam en échec. Il n'arrivait pas à croire que des nains soient si forts. Amnaël se débarrassa de toute ses pensées négatives se préparant au combat.